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Garde à vue : peut-on refuser de donner son code de téléphone ?

Le 22 janvier 2024
Garde à vue : peut-on refuser de donner son code de téléphone ?
Doit-on donner le code de déverrouillage de son téléphone portable en garde à vue ? Quelles sont les conséquences du refus de remettre une convention secrète de déchiffrement en droit pénal ? Maître François LEGER, avocat en droit pénal, vous répond.

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La loi oblige la personne gardée à vue à communiquer son code de téléphone sous certaines conditions.

A titre préliminaire, il faut souligner que si cette disposition peut paraître attentatoire aux droits de la défense et notamment au droit de ne pas s'auto-incriminer, le Conseil constitutionnel l'a déclaré conforme à la Constitution (Décision n° 2018-696 QPC du 30 mars 2018).

Quels sont donc les éléments constitutifs de l'infraction de refus de remettre une convention secrète de déchiffrement ?

Refuser de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone en garde à vue constitue un délit pénal si et seulement si les trois conditions suivantes sont remplies : 

1) Le téléphone est susceptible d'avoir été utilisé pour "préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit" (Article 434-15-2 du Code pénal). 

2) Le téléphone est équipé d'un moyen de cryptologie : 

En d'autres termes, le code de déverrouillage permet non seulement d'authentifier l'utilisateur, mais également de déchiffrer des données.

L'article 29 de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique définit le moyen de cryptologie comme suit :

« On entend par moyen de cryptologie tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes ou pour réaliser l'opération inverse avec ou sans convention secrète. Ces moyens de cryptologie ont principalement pour objet de garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d'assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité.

On entend par prestation de cryptologie toute opération visant à la mise en œuvre, pour le compte d'autrui, de moyens de cryptologie. »

Attention : cela est le cas de la plupart des smartphones aujourd'hui ! A l'inverse, les anciens téléphones ne possèdent pas de moyen de cryptologie. 

Le juge doit donc rechercher si le téléphone est équipé d'un code de déverrouillage qui aurait également pour objectif de chiffrer (crypter) les données (Cass. Assemblée plénière, 7 nov. 2022, 21-83.146).

3) La demande a été faite au travers d'une réquisition judiciaire :

La demande de communication du code de déverrouillage du téléphone portable en garde à vue ne doit pas être informelle. En effet, la Cour de cassation considère que :

« une simple demande formulée au cours d'une audition, sans avertissement que le refus d'y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale, ne constitue pas une réquisition » (Cass. Crim. 13 octobre 2020, 20-80.150).

Celle-ci doit prendre la forme d'une réquisition judiciaire délivrée par un officier de police judiciaire (OPJ) ou un agent de police judiciaire (APJ) qui informe la personne gardée à vue des conséquences pénales du refus de communiquer son code.

Que risque t-on à ne pas communiquer son code de téléphone si les conditions énumérées ci-dessus sont remplies ?

Selon l'article 434-15-2 du Code pénal : 

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 270 000 € d'amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 450 000 € d'amende. »

Par ailleurs, cette infraction est autonome et indépendante de l'infraction principale. En d'autres termes, même en bénéficiant d'une décision de classement sans suite, de relaxe ou de non-lieu pour l'infraction principale ayant donnée lieu à la garde à vue et donc au refus de transmettre son code, une condamnation au visa de l'article 434-15-2 du Code pénal reste possible. 

Maître François LEGER, votre avocat pénaliste à Versailles (78000) vous accompagne et vous conseille en droit pénal et en procédure pénale. N'hésitez pas à le contacter. 

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